Quel est le rôle social des sages africains dans l’éducation des jeunes adultes?

Titre : Quel est le rôle social des sages africains dans l’éducation des jeunes adultes?
Travail présenté dans le cadre de DESS ( Formation des formateurs-UQAM)

Plan de travail :
1-Titre : Quel est le rôle des sages africains dans l’éducation des jeunes adultes?
2- Formule choisie parmi celles présentées dans le plan du cours : Récit d’apprentissage s’appuyant sur un modèle théorique.
3- Objectif général : Nous voulons montrer l’importance de l’intervention des sages dans l’éducation des jeunes adultes, plus précisément, du couple Nikabou et Djérou au Togo.
4- Situation étudiée et son angle d’observation :
La situation étudiée va aborder l’intervention de Tchapouh Mani, un sage dans le village de Binaparba au Nord-Ouest du Togo. Ses activités d’apprentissage assure la transmission des connaissances et des valeurs sociales au couple Nikabou et Djérou. Nous analyserons comment le sage interagit dans son rôle avec le couple. Nous analyserons également, comment, le sage démystifie les fausses connaissances du couple au profit de nouvelles.

5- Cadre et modèle théorique et sa pertinence pour l’étude de cette situation :
Modèle théorique de Bourgeois et Nizet, de Lev Vygotski: représentation, déséquilibres, rééquilibre, interactions sociales, de l’interpersonnel à l’intrapersonnel, une trajectoire personnelle, disponibilité des structures de connaissances, l’activation des structures de connaissances en situation de formation, l’assimilation de l’information nouvelle, renforcement d’apprentissage.
6- Méthodologie :

Les étapes du travail :
Introduction
1- Définition du concept «sage» selon l’encyclopédie universalis et le Larousse
2- Analyse du récit
3- Description du modèle de Bourgeois et Nizet lié à des pratiques pédagogiques du sage.
4- Description du modèle de Lev S. Vygotski/Piaget lié à des pratiques pédagogiques du sage.
5- Comparaison des deux modèles théoriques
6- Analyse d’un concept clef en andragogie
7- Compte rendu des apprentissages réalisés par le couple.

Conclusion
Le travail sera de type analytique. Il comprendra 7 parties sur environ 12 ou 13 pages. Nous répondrons à la question de départ : Quel est le rôle des sages africains dans l’éducation des jeunes adultes? Nous ferons un peu la similitude entre le travail des sages en Afriques et le mentorat ou le coaching dans les pays du Nord.
Introduction :

La formation des adultes est une problématique importante dans notre monde d’aujourd’hui car, l’éducation des adultes s’inscrit nécessairement dans un contexte de développement, des mutations et des enjeux à l’échelle mondiale. La formation des adultes aide ces derniers à développer des compétences, des connaissances et des aptitudes devant leur permettre de demeurer compétitif tant sur le plan professionnelle que sur le plan individuel. La formation doit amener des changements dans le comportement des adultes. Le rôle de l’éducation des adultes est d’amener ces derniers à un haut niveau de compétence afin qu’ils puissent répondre et s’adapter à l’évolution vertigineuse de nouvelles technologies indispensables à l’accomplissement des tâches nouvelles. La formation s’échelonne ainsi tout le long de la vie.
Si dans les pays industrialisés l’éducation des adultes profite d’un cadre scientifique et réglementaire avec des matériels didactiques à la fine pointe de la technologie, en Afrique c’est le contraire car, l’éducation des adultes dans les communautés villageoises traditionnelles reste empirique voire informel. En effet, l’éducation des enfants, des adolescents et des jeunes adultes dans le monde traditionnel repose sur un support totalement oral. Dans ces sociétés africaines traditionnelles, le rôle d’éducateur est très souvent confié à des personnes de certains âges respectables qu’on appelle des sages. La question est de savoir pourquoi le sage? La raison est que le sage utilise son écoute, ce qui est différent d’un entretien ordinaire. En général tout le monde peut écouter une personne qui a un problème ou qui vit une situation expérientielle difficile. Mais tout le monde ne peut pas apporter des solutions pertinentes pour résoudre le problème. C’est ainsi que dans l’Afrique traditionnelle, ce rôle est confié à celui qui a de l’écoute, c’est-à-dire le sage. Dans notre étude, nous allons partir d’un récit concernant le rôle social que joue le sage Tchapouh Mani, dans sa communauté villageoise de Binaparba. Ce récit parle d’un cas concret, la situation difficile de Nikabou et de sa femme Djérou. Dans un premier temps, nous définirons ce qu’est la notion de sage, deuxièmement, nous analyserons le récit, troisièmement, nous ferons une description du modèle de Bourgeois et Nizet lié à des pratiques pédagogiques du sage, quatrièmement, nous ferons description du modèle de Lev S. Vygotski/Piaget lié à des pratiques pédagogiques du sage, cinquièmement, nous comparerons les deux modèles théoriques, sixièmement, nous analyserons un concept clef en andragogie : expérience et enfin, nous ferons un compte rendu des apprentissages réalisés par le couple.

Définition de sage :
Dans notre travail, nous utiliserons deux définitions du sage, d’une part, celle du dictionnaire de philosophie et, d’autre part, par le Grand Larousse.
Selon le dictionnaire de philosophie :
«1-Celui qui pense, parle et agit conformément aux idéaux de vérité, de mesure et de raison. Trad. du sophos grec- idéal à la fois théorique(le savant) et pratique dont le philosophe (philos-sophos, ami de la sagesse) représente une restriction. Le sage vit en adéquation avec l’ordre du cosmos (Tao en Chine). Il est l’homme du jugement sûr. Il ne connaît ni la révolte du héros ni la déchirure intérieure du saint. 2-Celui qui se comporte et agit de manière raisonnable parce qu’il a su se rendre maître des passions qui agitent les autres hommes… On appelle «sage» les experts et conseillers de certaines assemblées. »
Selon le Grand Larousse :
*
«1-Qui fait preuve de sûreté dans ses jugements et sa conduite : la réputation d’un homme sage. 2- Qui est prudent, réfléchi, qui est conforme à la mesure, au bon sens : prendre de sages mesures. 3- Dont les mœurs sont irréprochables, qui montre la réserve dans ses rapports avec l’autre…
*
1-Dans l’Antiquité, homme réputé pour ses connaissances, son expérience, son jugement, et dont les avis sont écoutés. 2- Homme qui est parvenu à la maîtrise de soi et tend à réaliser un modèle idéal de vie… 3- Un homme raisonnable, réfléchi et mesuré dans ses pensées et actions. 4- Personnes compétentes et indépendantes, chargée par les pouvoirs publics d’étudier une question délicate : soumettre un projet à la commission de sages. »

Analyse du récit :
La nécessité d’aller consulter le sage Tchapouh Mani, résulte de l’expérience que traverse le couple Nikabou et Djérou. Nous avons une situation difficile avec deux problèmes :
a-Djérou a fait une fausse couche. Elle a subi d’importante perte de sang et , est sous médication avec des douleurs abdominales.
b-Nikabou n’arrive pas à donner ni un sens ni une compréhension à cette situation difficile qui lui arrive. Il se sent totalement désemparé, même s’il est conscient qu’une grossesse représente une période de risque, tant aussi longtemps que l’enfant n’est pas né.

Nikabou s’interroge sur toutes sortes de choses, dont le regard de la société dans laquelle il vit, les dires ou rumeurs véhiculés par les autres. Il ne comprend pas pourquoi c’est à lui que cela arrive. Non seulement, il vient de perdre son enfant, il est aussi confronté, selon lui, au jugement de ceux qui pourront le traiter d’infertilité. Ce jugement d’infertilité est plus pesant, plus important à ses yeux que la santé de sa femme et l’harmonie de son couple. Il va chercher la première réponse auprès de ses parents. Malheureusement, ceux-ci ne lui donnent presqu’aucune réponse, sauf, lui recommander d’aller rencontrer le sage du village, Tchapouh Mani. Déçu de la démission parentale, il accepte quand même de rencontrer le sage, considéré comme l’instance disposant des connaissances indispensables devant aider à résoudre cette épreuve. Cette dernière est définie par Roelens Nicole comme : « C’est le moment révélateur et celui de mise à l’épreuve en situation. Le moment où se met en scène, concrètement, la problématisation de l’encore inconnu du monde et de l’encore inconnu de soi, indistinctement entremêlés.» . Cette épreuve constitue la rupture entre ce que Nikabou sait et, ce qui le dépasse. Ainsi, il comprend qu’il lui faut adopter un nouveau comportement ou acquérir de nouveaux apprentissages pour solutionner cette situation, lui résister ou la dépasser en se transformant à son meilleur. D’où, la nécessité du recours à la médiation expérientielle du sage. Djérou, qui sent la menace d’une répudiation, va beaucoup espérer des apprentissage et conseils du sage. Cette démarche pourra l’aider à garder son foyer. Car, elle ne croît pas être la responsable de cette interruption de grossesse. Dans une société où les voeux de l’homme priment sur ceux de la femme, elle ne peut qu’attendre de bonnes issues de ces rencontres avec le sage, Tchapouh Mani.

Analyse du système de formation du sage :
Le système de formation du sage est fondé sur la pédagogie d’écoute, de reformulation et de prudence. Il écoute Nikabou et Djérou exposés la situation de crise qu’ils traversent actuellement. Il reformule leurs propos pour être sûr d’avoir la bonne compréhension de leur histoire. Il use de la prudence, car même s’il est au courant du problème du couple, il peut y avoir certainement des choses qu’il ignore encore. Cette pédagogie permet de bien diagnostiquer le problème et d’en trouver les meilleures solutions. En effet, en Afrique le rôle d’éducateur ou de formateur n’est assigner qu’à des personnes ayant eu une vie saine, bien remplie et exemplaire à tout point de vue.
Toutefois, le système de formation du sage Tchapouh Mani est purement oral. Cette oralité dans laquelle se pratique l’éducation traditionnelle du sage impose inévitablement des limites dans la transmission du patrimoine. L’éducation traditionnelle est basée sur une force de mémorisation, donc son unique support demeure la mémoire. Ainsi, le jour où le sage s’éteint, alors tous ses savoirs et connaissances disparaissent avec lui, d’où ce proverbe africain qui dit : « En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Il ne serait pas exagéré de qualifier cette pédagogie du sage d’empirique. L’éducation traditionnelle du sage insiste beaucoup sur le mouvement descendant de la transmission des expériences des aînés aux cadets, ce qui ne facilite pas nécessairement l’expression du dynamisme des jeunes générations et une exploitation maximale des connaissances disponibles.
Le système de formation du sage Tchapouh Mani peut être enrichi. Tout d’abord, fixer ses savoirs et pratiques sur un support permanent, c’est-à-dire les écrire dans un livre ou dans un cahier, car l’écriture représente une capacité immense d’emmagasiner les connaissances, de les conserver et de les répandre. Ce n’est pas un hasard si la science s’est développée avec l’écriture et seulement avec elle. Ces écrits seront utiles pour les générations à venir. D’autre part, élaborer des critères ou des méthodes de diagnostic, faire de recherche, confronter ses résultats à ceux d’autres sages de la région. Aussi, le sage manque-t-il de cadres formels pour ses pratiques tels qu’un bureau, une salle de classe, un laboratoire de recherche. En le faisant, il améliorera ses propres méthodes et celles des autres. Ainsi, des générations futures pourront en bénéficier et poursuivre ses œuvres.

3- Description du modèle théorique de Bourgeois et Nizet lié à des pratiques pédagogiques du sage.
Description : Le modèle théorique de Bougeois et Nizet, est un modèle constructiviste dans lequel, on retrouve des éléments tels que, la trajectoire de l’apprenant, le processus d’apprentissage, l’espace protégé et le droit à l’erreur de l’apprenant. Selon ce modèle, l’apprentissage est le résultat d'une adaptation nouvelle de ce que l'on savait à ce que l'on découvre; apprendre, c'est créer des interactions entre ce qui est ancien, ce qu'on connaît et ce qui est nouveau. C'est réélaborer des représentations antérieures sous la pression d'une situation conflictuelle proposée comme défi à l'apprenant. Ce mécanisme d’appropriation des savoirs, peut se représenter comme suit : Accommodation- conflit cognitif - médiation et assimilation.

Dès lors, Bourgeois et Nizet, conçoivent l’apprentissage comme traitant la problématique des interactions sociales dans une situation de formation des adultes. Par rapport à la trajectoire de l’apprenant, se pose la question de ses motivations ultimes de s’engager dans un processus d’apprentissage, tout en sachant que tôt ou tard, il interagira avec de nouvelles connaissances, qui mettront à mal ses manières traditionnelles de décrypter les événements du monde et de la façon dont il se prend pour les résoudre. Une fois, cette étape franchie, l’adulte peut accepter de mettre ses anciennes connaissances à l’épreuve de nouveaux savoirs afin de les améliorer : «.., la décision pour un adulte de s’engager dans un processus de formation est d’une manière ou d’une autre liée à un projet personnel, professionnel et/ou social. L’adulte attend de la formation un certain nombre de bénéfices immédiats, ce que nous avons appelé les résultats escomptés : des savoirs et des savoir-faire nouveaux,…» .
L’apprentissage s’élabore dans un processus c’est-à-dire un ensemble de méthodes pour faire apprendre ou pour faire faire apprendre, dans un environnement de confiance devant accepter la possibilité d’essais, erreurs et résistances de l,apprenant.

Lien entre le modèle théorique de Bourgeois et Nizet et des pratiques pédagogiques de sage :
Le sage reçoit Nikabou et sa femme. Il les installe et laisse chacun présenter sa version de la situation qu’ils vivent actuellement. Chez le sage Tchapouh Mani, une zone de confort est établie, ni Nikabou ni Djérou ne doit craindre une quelconque représaille. Ils ont l’assurance que ce qu’ils diront restera entre eux et le sage. Ce dernier crée un espace propice à l’apprentissage car, très souvent, Tchapouh Mani, reçoit ceux ou celles qui ont recours à ses enseignements chez lui sous sa paillotte. Mais, Djérou et Nikabou sont reçus dans la chambre du sage, c’est-à-dire, l’ultime lieu des savoirs et des connaissances. Ceci est un signe d’estime et de considération à l’endroit du jeune couple. Le sage les recevra au même endroit pendant les deux semaines que dureront ses interventions. À cet endroit, ils pourront tout dire, et tout apprendre à l’abri des oreilles indiscrètes. Bourgeois et Nizet parlent d’« espace (protégé ) à l’intérieur duquel l’apprenant peut se permettre d’expérimenter des visions du monde, des modes de pensées nouveaux, sans (trop de) risque pour son identité et sa trajectoire.» . Après les exposés du couple, Tchapouh Mani, comprend que Nikabou, est le principal problème dont il faut le plus convaincre.

Le sage apprend à Nikabou, s’il sait que sa propre maman avait eu deux fausses couches avant que lui Nikabou ne vienne au monde. Jamais, il n’a su cette information auparavant, de ses parents. Donc, s’il ne l’a jamais su jusqu’à la date de ce jour, cela prouve que les rumeurs dont il qualifie le village d’être responsable, n’est qu’une imagination de sa part. Le sage, Tchapouh Mani, crée un choc socio-cognitif chez Nikabou. Ce dernier doit intégrer ses nouvelles connaissances qu’il vient de recevoir. Le sage, dit à Nikabou, qu’une interruption de grossesse peut être liée à la surcharge d’activités de Djérou, dont les travaux champêtres, la corvée de bois de même que celle d’eau qu’il faut chercher sur plusieurs kilomètres du village. Selon, le sage Tchapouh Mani, ces travaux finissent par peser sur la santé de la maman et du futur bébé. La santé de Djérou devient fragile à force de fatigues accumulées. Les efforts, sans cessent croissant pour une future maman, finissent par provoquer une interruption de grossesse et, que cela n’a rien avoir avec la sorcellerie ou la mauvaise chance. Nikabou, n’en revient pas de la densité des connaissances qui sortent de la bouche du sage. Il se rappel nettement de ses leçons sur la «reproduction humaine» reçue en classe de secondaire 4. Ses anciennes connaissances enfouies refont surface, il revit un autre choc cognitif, d’où ses structures d’accueil se mobilisent pour que les éléments qui font l'objet de l'apprentissage soient reliés à ce qu’il connaît déjà. « Les structures de connaissances que l’apprenant va activer dans la situation de formation face à un objet d’apprentissage donné seront pour une large part fonction de son histoire, et tout particulièrement de son histoire récente » À la question de Nikabou, comment le vieux sage sait tout cela, Tchapouh Mani, répond que ses connaissances et savoirs sont les fruits d’une accumulation d’apprentissage de la vie de tous les jours et de ses propres expériences. Selon, Nikabou, les autres femmes du village font les mêmes corvées que Djérou, mais n’ont jamais eu d’interruption de leur grossesse. Tchapouh Mani, pour des raisons de discrétion, et sans vouloir donner une liste exhaustive des femmes ayant connu précédemment une interruption de grossesse, lui fait savoir que toutes les femmes de même que tous les hommes n’ont pas la même constitution biologique. Certaines, sont plus résistantes que d’autres, il en va ainsi du côté des hommes, certains sont plus forts que d’autres.

Par rapport à la question de l’infertilité soulevée par Nikabou, Tchapouh Mani, lui dit que, si sa semence était infertile, il ne devrait même pas être en mesure de rendre une femme, future maman. Le sage, lui dit qu’il doit cesser de se culpabiliser, de se déstabiliser et de mettre son foyer en danger, en insinuant ce que les autres pensent de lui, au lieu de penser à Djérou et à lui-même. Nikabou, ne baisse pas les bras pour autant. Il soulève la plus difficile question qu’est l’infidélité. Selon lui, la croyance commune dit qu’une femme qui ne porte pas sa grossesse à son terme aurait connu un autre homme que le sien pendant sa grossesse. Le sage dit à Nikabou : « personne n’apprend au marché du village ». Il signifie à Nikabou, qu’il fait une fausse route, et qu’il fait également offense à sa mère. Celle-ci a respecté leur tradition. Dès qu’elle a su que sa belle-fille est enceinte, elle est venue s’installer chez eux et veille jour et nuit sur elle. Tchapouh Mani, prouve à Nikabou que son raisonnement non seulement est faux, mais aussi fondé sur ses imaginations ou préjugés.

Le sage Tchapouh, se tourne à la fin vers Djérou, et lui dit de prendre soin de sa santé, de suivre ce que son époux Nikabou lui dira, mais aussi d’avoir le courage de dire à son époux ses fatigues. Djérou doit pouvoir dire à son époux, ce dont elle peut et ce dont elle ne peut pas, surtout, quand adviendra une nouvelle grossesse. Nikabou et Djérou sont dans ce que Jürgen Habermas, appelle le « monde vécu » qui, est l’ensemble des activités humaines médiatisées par les structures propres à la société que sont la langue, la culture, la socialisation et les traditions. Sa structuration et sa modification se font en fonction de l’évolution des mœurs et de l’interprétation des valeurs sociales. Le « monde vécu » est le lieu quotidien de nos activités. Le sage Tchapouh Mani, plus vieux que Jürgen Hbermas, utilise des méthodes que ce dernier qualifie d’intercompréhension : « L’intercompréhension signifie l’entente des participants à la communication sur la validité d’une énonciation » , dans le cas qui nous concerne, il y a problème, qui ne peut être résolu que par des clarifications évidentes dans un cadre serein permettant une compréhension commune. Ceci nous amène à aborder la situation que vit Nikabou et Djérou à travers le modèle de Lev S. Vygotski et Piaget dans des interactions sociales.

1-Description du modèle de Lev S. Vygotski/Piaget lié à des pratiques pédagogiques du sage.

Description :
Pour Lev S.Vygotski, l’individu apprend à travers une interaction sociale, c’est-à-dire à parti des éléments culturels, sociaux et historiques de son environnement. L’individu apprend à partir de sa socialisation et en interagissant avec les membres de son entourage. Selon lui, l’être humain de part sa nature et son origine ne peut se développer en s’isolant de ses semblables. Hors de la société il n’y a point de cultures ni apprentissage possible. Car l’homme à l’état de nature restera un sauvage. L’individu est indéfini en étant tout seul, d’où la nécessité de se définir par rapport aux autres et les autres par rapport à lui. L’individu en se construisant par le biais de ses semblables, développe des outils et des pensées dont il s’approprie. Selon Lev S. Vygotski, les interactions sociales basées sur les éléments historiques et culturels jouent un rôle essentiellement constructif dans le processus de développement de l’individu. Tandis que pour Piaget, l'apprentissage est le résultat d'une interaction entre le sujet et son environnement c’est-à-dire les objets et les situations auxquels il est confronté. Devant une information nouvelle, l’individu va activer ses structures cognitives (biologiques) pour analyser l’information. Pour lui, l’individu est capable d'assimiler de nouvelles connaissances à celles qu’il possède déjà en les transformant en de nouvelles opérations. Il parle alors de la genèse et le développement des structures cognitives ou des schèmes qui, sont sources « de représentations de déséquilibre et de rééquilibration » . En résumé, si pour Piaget le développement est un préalable à l'apprentissage (même si Piaget n’a pas parlé exclusivement de l’apprenant adulte), pour Vygotski l'apprentissage précède le développement, les deux entretenant des relations indissociables. La différence que Vygotski propose entre apprentissage et développement ne tient pas à l'objet auquel ils se rapportent, (mais Piaget distingue des connaissances objet de l'apprentissage et des structures cognitives objet du développement) par rapport aux conditions dans lesquelles ils se produisent. Tous deux portent sur les structures cognitives, mais là où l'apprentissage est obligatoirement une activité sociale impliquant l’autrui, le développement est le résultat d'une activité personnelle. Comme nous venons de le dire, l'apprentissage ne porte pas que sur des connaissances comme des schèmes de représentation mais aussi sur les interactions sociales.

Lien entre le modèle théorique de Lev S. Vygotski/Piaget et la pratique pédagogique du sage. Si nous partons de la théorie de Lev S. Vygotsky, Nikabou et Djérou vivent dans une communauté qui a une histoire, une culture et ses pratiques sociales. Ici, nous pouvons constater que Nikabou, malgré son niveau de scolarité n’arrive pas à lui seul, à dissocier les rumeurs ou les fausses connaissances que véhiculent certaines personnes des vraies valeurs familiales du village, que sont la protection du foyer conjugal contre les intruisions et les mauvaises langues de l’extérieur, le respect de sa femme, surtout quand celle-ci est en difficulté. Pour Djérou, son époux écoute les mauvais enseignements de la place publique et, qu’on ne croirait pas que son époux est un fonctionnaire et qu’il a été à l’école. Évidemment, Nikabou s’accroche aux préjugés des autres. Le sage fait remarquer à Nikabou qu’il prend le mauvais côté de ce que la société lui donne. Dans la même perspective que Vygotsky, en Afrique, une partie de l’éducation de l’individu revient à sa société d’appartenance. Parce que l’individu, qu’il soit enfant, adolescent ou jeune adulte appartient avant tout au groupe. Donc, l’éducation de Djérou et de Nikabou est l’affaire du groupe tout entier et non seulement de leurs (parents) géniteurs. L’éducation a un caractère collectif prononcé, une globalité au niveau de toutes les personnes. En effet, en Afrique Noire « traditionnelle », la parenté, les pairs, le village doit participer à l’éducation du couple. Tout le tissu social sert de cadre d’action. Généralement, tout le monde est concerné par l’éducation même si une place particulière revient aux parents et aux vieux ou à des personnes qualifiées par des tâches spéciales telles que les prêtres traditionnels, les sorciers, marabouts ou le caste des forgerons durant les moments de rites d’initiations diverses ou d’apprentissage de métiers. Il revient alors à Nikabou de savoir retirer la bonne de la mauvaise éducation. Il est nécessaire qu’il fasse usage, selon Piaget de ses structures cognitives pour analyser tous les informations qu’il reçoit et d’en tirer la meilleure partie. Le sage Tchapouh Mani précise que, Nikabou fait moins recours à ces connaissances antérieures pour examiner les propos de certaines personnes du village. Il présume qu’il est sous les influences de mauvais conseillers. Il se précipite et en arrive à des mauvaises conclusions. Djérou doit mieux apprendre à connaître son corps et discuter plus souvent ses problèmes avec son époux. Le sage lui dit un proverbe africain, « sans le sel on ne peut pas apprécier un aliment ». Donc, elle est le sel de leur foyer. Elle doit prendre courage et surmonter l’événement malheureux qu’ils traversent en ce moement.
Comparaison des deux modèles théoriques :
Les deux modèles théoriques sur lesquels nous avons basé les pratiques pédagogiques du sage Tchapouh, Mani, sont des modèles constructivistes ou socio-constructiviste. Leurs points communs est qu’ils cherchent à décrypter le comportement humains afin d’en donner une explication rationnelle. Ils tiennent aussi compte du passé de l’individu. Ceci étant, chacun des modèles à ses méthodes propres. Ainsi, selon le modèle de Bourgeois et Nizet, apprendre c’est adapter ce que l'on savait à ce que l'on découvre; apprendre, c'est aussi créer des interactions entre ce qui est ancien, ce qu'on connaît et ce qui est nouveau. C'est réélaborer des représentations antérieures sous la pression d'une situation conflictuelle proposée comme défi à l’apprenant (voir plus haut). Les éléments pertinents du modèle de Bourgeois et de Nizet, sont la prise en compte de la trajectoire de vie de l’apprenant, la possibilié de faire des erreurs et un espace «protégé». Le sage Tchapouh Mani, connaît Nikabou et Djérou et il sait ce qu’il faut leur apprendre afin de sauver et de consolider leur couple. Nikabou ignorait que sa maman, dans le passé avait déjà deux fausses couches. D’où le problème peut ne pas venir de Djérou mais de sa propre famille. Par conséquent, répudier Djérou ne sera pas nécessairement la bonne solution. Tandis que pour Piaget et Vygotsky , l’un met l’accent sur les shèmes de représentation ou les structures cognitives de l’apprenant en interaction avec son environnement pour apprendre, et le second invoque l’environnement social, historique et culturel avec ses interactions qui permettent à l’individu d’apprendre. L’exercice du sage est d’amener Nikabou et sa femme victimes des rumeurs de mauvaises écoles, à saisir les vraies valeurs de la famille dans leur culture pour en formuler les bases solide de leur foyer. L’implication concrète du constructivisme pour l’apprentissage adulte, est qu’il favorise l’apprentissage de nouvelles choses à partir des expériences passées et de l’intégration de ces expériences par l’apprenant. La connaissance ne résulterait pas alors d’une simple transmission des informations ou des savoirs, mais se construirait par l’apprenant par le biais d’interprétation et de la compréhension constamment renouvelées qui s’élaborent à partir des représentations que l’apprenant s’est déjà forgées. En outre, Bourgeois et Nizet spécifie que l’apprentissage du l’individu peut se dérouler dans un milieu où ce dernier devra se sentir dans un climat favorable, c’est-à-dire un espace « protégé». Car, la décision d’aller en formation n’est pas simple à prendre pour un adulte. Plus l’apprentissage se déroule dans une atmosphère de confiance mutuelle, mieux sera l’épanouissement de l’adulte. En d’autres termes l’environnement doit être propre à l’adulte pour favoriser l’apprentissage. Ceci nous amène à poser la question de l’expérience.

L’analyse d’un concept clef : expérience.
Nous prendrons la définition de deux auteurs en andragogie pour l’analyse de ce concept clef. Il s’agit de Jean-Pierre Boutinet et de Nicole Roelens(1989). Le premier : «…l’âge c’est d’abord l’expérience, nous devons alors reconnaître que cette vie accumule à travers les vicissitudes des événements vécus et donc organise une mémoire expérientielle…, d’une part, la capacité à résoudre des problèmes, d’autre part le souci de donner un sens à une épreuve » . Pour Nicole Roelens : « L’expérience est pour le sujet la problématisation d’aspects encore inconnus de lui-même, par leur irruption dans une situation. Cette irruption se produit par la faille de l’inadéquation qui de ses représentations antérieures pour interagir et trouver une place dans cette situation » . Si nous restons dans la perspective de Boutinet J-P, que l’expérience est une accumulation de vécus, or aujourd’hui, la formation s’impose à l’individu dans une société en permanente mutation. L’adulte qui décide d’aller en formation va avec ses bagages antérieurs. Ceux-ci vont l’aider dans le nouveau processus dans lequel il est engagé. Cette expérience est un plus et un atout à condition qu’elle soit mise en pratique. Chaque expérience devrait contribuer à préparer l’apprenant à des expériences formatives futures plus poussées et plus profitables. C'est là l’importance même de la croissance, de la continuité et du renouveau de l'expérience. Pour Roelens N., elle peut être une rupture. En effet, le retour en formation pour certains adultes est acte douloureux, car pour certains apprenants c’est leur entreprise ou leur travail qui l’exige. L’apprentissage devient dans ce cas un acte obligatoire, soit pour garder son emploi ou partir. Il devient plus pesant, quand l’apprenant considère l’effort soutenu indispensable à fournir en plus d’accepter une remise en cause ou une mise à jour des ses connaissances et savoirs antérieurs. L’interférence de nouvelles connaissances et ses approches d’avec les expériences accumulées lors des formations antérieures de même que dans sa carrière ne font pas toujours bon ménage. Dans certains cas, l’apprenant va être obligé de faire le deuil de son passé de « connaisseur, d’expert ou de technicien ». Dans le cas du sage Tchapouh Mani, l’implication de l’expérience est plus que nécessaire. C’est au nom de ses expériences accumulées que la société lui confie le rôle d’éducateur. Si Nikabou devient esclave des « radios à rumeurs » du village, il perdrait sa femme sans nécessairement comprendre le sens de ce qui lui arrive. Le seul fait d’apprendre de la bouche du sage, qu’il n’est pas le premier ni le dernier à qui cela arrive, lui fait changer d’avis. Cette situation expérientielle douloureuse qu’il vit, va constituer des acquis pour lui. Dans le courant constructiviste, l’expérience est une donnée incontournable. Dans les sociétés africaines l’apprentissage est fondées essentiellement sur l’oralité, l’expérience en tant que accumulation de vécus est indispensable pour l’éducation des enfants, des adolescents et les jeunes adultes. Les expériences du sage Tchapouh Mani constitue une mémoire vive des éléments socioculturels et historiques de sa communauté.

5-Compte rendu des apprentissages réalisés par le couple :
Le sage Tchapouh Mani découvre qu’il est une fois de plus une pierre angulaire dans sa communauté et incarne l’unité du village. Non seulement, il est une mémoire vive qui abreuve les autres, il est aussi un élément de cohésion, d’harmonie et de paix dans sa communauté. Son enseignement se réfère à son passé riche d’expérience. Le sage donne de son temps et rend un service dénudé de tout intérêt personnel. Il est le garant de la confidentialité, car chaque apprenant sait que ce qu’il entend, il le garde pour lui seul. Tchapouh Mani a pu amener Nikabou et Djérou à apprendre que la situation difficile qu’il traverse actuellement n’est en aucun cas souhaitable. Mais étant donné qu’elle est arrivée, elle doit être gérée de manière à ce qu’elle ne crée pas de dommages irréversibles dans leur couple. Le sage Tchapouh Mani leur fait remarquer que dans la vie, il y a des événements qui apportent la joie et le bonheur et d’autres le contraire. Les événements malheureux sont aussi utiles que ceux heureux car, ils nous forgent, ils nous modélisent pour l’avenir. Dans le cas de Nikabou et de Djérou, cette interruption de grossesse involontaire et surprise ne relève de la responsabilité d’aucuns d’eux. Ainsi, ni l’un ni l’autre ne doit s’accuser. C’est l’occasion pour les deux de s’aimer davantage, parce que le meilleur est à venir. Tchapouh Mani agit ici comme un dispensateur de connaissances et un médiateur ou le catalyseur du processus d’apprentissage.
Quand au couple, Nikabou se rend compte qu’à la suite des rencontres successives avec le sage Tchapouh Mani, qu’il faisait une fausse route. Son rôle premier est d’être aux côtés de sa femme, de la consoler et surtout de lui témoigner sa compassion et son amour pendant qu’elle était au dispensaire du village. Son brusque départ du dispensaire après avoir su que Djérou avait perdu son enfant, suppose qu’il n’était intéressé que de son enfant qui allait naître et non de sa femme et de l’enfant. Négligence inacceptable aux yeux du sage Tchapouh Mani. Le rôle de Nikabou en tant que chef de famille est de veiller sur la santé et la protection de sa femme. À Djérou, le sage dit qu’en tant que mère de famille elle a des responsabilités dans la maison familiale. Elle ne doit pas s’effacer du foyer, mais chercher en tout temps à parler à son époux et donner ses points de vue.

Conclusion :
Le rôle de tout formateur, est de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés ses apprenants, dans le but d’aboutir à un résultat, entre autre un changement de comportement ou d’un avis. Nikabou vit dans une société où la femme en tant que mère ou épouse n’est pas valorisée. Elle est souvent bannie, elle est le bouc émissaire de la famille ou de l’époux. Tout ce qui ne marche pas relève de la responsabilité de la femme. C’est la même situation que vit Djérou, en tant qu’épouse entre les mains de Nikabou. Pour ce dernier, le rôle premier de la femme est de faire des enfants, de faire des corvées domestiques et champêtres. Djérou est presque réduit au silence. Comme le disait les Allemands dans les années 1940, femme = cuisine, enfant et église. Heureusement, Tchapouh Mani, sait qu’une interruption de grossesse n’est pas la faute d’une personne dans le couple mais des deux personnes qui forment le couple, d’où la responsabilité est partagée. Nikabou voulait rencontrer seul le sage, mais celui-ci sait qu’on ne peut pas résoudre les problèmes de couple en se basant sur les propos d’une seule personne. C’est pourquoi, il a exigé la présence de Djérou tout au long de la formation même si celle-ci parle très peu. Le modèle théorique de Bourgeois et Nizet, nous apprend qu’il faut tenir compte du passé de l’apprenant, de le mettre en confiance tout en acceptant qu’il peut faire des erreurs. Le meilleur apprentissage ne vient-il pas de nos essais et erreurs? Il est aussi dit que les erreurs nous apprennent mieux. Celui de Vygotski (l'apprentissage est issu d’une interaction entre les éléments sociaux, culturels et historiques situation de l’apprenant) et de Piaget (l’apprentissage est issu des interactions cognitives de l’apprenant avec l’objet d’apprentissage) nous ont permis de théoriser les pratiques pédagogiques du sage Tchapouh Mani. Nous pouvons estimer avoir rendu les pratiques éducatives du sage rationnelles, donc scientifique. Certains pourront juger les pratiques pédagogiques du sage Tchapouh Mani d’humaniste, mais tel n’est pas notre position dans le cas présent. Nikabou accepte à l’issu de ses apprentissages après du sage de garder sa femme Djérou et, qu’elle sera la mère de ses enfants.
Aujourd’hui, un peu partout dans les grandes institutions internationales, nous entendons parler de comité de sages, tels que groupe de sages de l’Union Africaine et le groupe de 12 aînés et sages de la politique internationale. Aujourd’hui, où notre planète devient un petit village grâce aux technologies de l’information et aux progrès scientifiques, quel sera l’avenir de la tradition orale en Afrique?

Le récit :
Djérou arrive des champs avec la maman de Nikabou, sa belle-mère. Elle vient de se libérer du fagot de bois de 25 kilogrammes. Ces bois secs vont l’aider à faire la cuisine pendant une semaine. Mais, elle est très fatiguée après les trois heures qu’à durer la marche de puis le champ jusqu’à la maison. Toutefois, elle très contente de sentir les mouvements de son bébé dans son ventre qui ne cache plus son état de future maman. Son époux Nikabou, agent de poste en ville ne tardera pas à rentrer à la maison. En attendant de faire la cuisine du soir, Djérou se repose sur une natte de raphia sous la bonne surveillance de sa belle-mère. Cette dernière sait que six moi et demi de grosse pèse beaucoup, elle décide de faire la cuisine pour ce soir.

Djérou commence à sentir des malaises et en informe sa belle-mère. Celle-ci ne voulant pas prendre le risque pour une deuxième fois, la conduit au dispensaire du village. Au dispensaire, les sages-femmes les informent que Djérou va accoucher prématurément. Elle est amenée dans la salle d’accouchement. Les sages-femmes demandent à sa belle-mère de rester avec elle. Deux heures plutard, Djérou accouche. Elle est aussitôt placée sous le sérum à demi consciente pour avoir perdu assez de sang, car l’accouchement a été difficile pour elle. Pendant les tentatives de réanimation du nouveau-né, la belle-mère est priée d’attendre dehors. Une heure après, la belle-mère est informée de la fausse couche de sa belle fille. Elle est inconsolable. Mais elles devraient restées au dispensaire pendant quelques jours pour des suivis médicaux de Djérou. Sa belle-mère retourne s’asseoir dans le couloir pour prendre un peu d’air. En tournant la tête, elle aperçoit son fils Nikabou. Ce dernier vient s’assoit à côté de sa maman. Tout était silencieux. Il devine le pire mais ne veut rien avancer. Sa maman tourne son regard vers son fils, les yeux lourdement chargés de larmes. Elle secoue la tête comme pour annoncer à son fils qu’il n’est pas père. Nikabou n’en revient pas et, s’en retourne chez lui. Trois jours plutard, sa maman et Djérou reviennent à la maison. Nikabou va annoncer son projet de répudier sa femme à ses parents. La raison évoquée, Djérou lui empêche de devenir papa, et fait la honte de la famille. Ses parents lui demandent de ne pas se séparer de sa femme, surtout de demander les enseignements du sage, Tchapouh Mani avant d’entreprendre une quelconque action. Nikabou accepte l’idée et va rencontrer le sage. Ce dernier accepte d’intervenir auprès du couple à condition que les (Nikabou et Djérou) viennent ensemble pendant le temps que durera les interventions du sage, Tchapouh Mani de ses 120 ans, est le dernier de ceux qui ont vu les premiers allemands débarqués dans le village de Binaparba. Il leur accorde un privilège, celui de les recevoir chaque fois dans sa chambre à couché et non sous la paillotte de la cour devant toute la maisonnée. Dès la première rencontre, le sage demande au couple le but de leur visite. Djérou et Nikabou s’entendent pour dire qu’ils sont venus chercher les enseignements et les savoirs du sage, pour traverser cette situation expérientielle qu’ils vivent.

Pour Nikabou, il y a plusieurs raisons qui le poussent à se séparer de sa femme. Selon lui, sa femme Djérou, est la principale responsable de l’interruption de sa grossesse. À la question du sage, comment? Il répond en disant que Djérou n’a pas pris soin de sa grossesse et qu’elle a été négligente. À cette accusation, Djérou répond qu’elle a fait tout ce qui lui était possible pour sauver son enfant, et, que Nikabou n’était pas toujours présent quand elle le voulait. D’une part, Nikabou, dit au sage Tchapouh Mani que, certains dans le village les soupçonnent d’infertilité raison pour laquelle sa femme a chaque fois une interruption de grossesse. Donc, sa décision de se séparer de Djérou et d’en épouser une autre servira à leur prouver le contraire. D’autre part, selon toujours Nikabou, d’autres gens dans le village pensent que, Djérou a commis d’adultère pendant sa grossesse. Les ancêtres pour la punir lui fait faire des fausses couches. Enfin, pour d’autres, c’est Djérou qui est le problème parce qu’elle ne peut pas devenir mère.
Selon Djérou, tout ce que son époux Nikabou dit est sans fondements, mais que si son époux et tous ces villageois qu’il invoque dans ses arguments ont des preuves de son infidélité, elle sera heureuse de les connaître et prête à en subie les conséquences. Djérou dit qu’elle est innocente et qu’elle n’est nullement responsable des fausses accusations dont elle a été la cible.
Djérou, s’excuse mais dit au sage que son mari, malgré son statut privilégié d’agent de poste et de communication, raisonne comme un simple paysan. Elle dit que ce sont les autres qui dirigent leur foyer et non son époux Nikabou. Le sage Tchapouh Mani, partage implicitement les certains points de vue de Djérou, en disant à Nikabou, qu’il ne doit pas bâtir son foyer sur les « on dit », ni vivres des rumeurs et des murmures de la place publique. Il lui recommande de faire références en toutes situations au code d’honneur de sa famille. Selon le sage, Djérou restera l’épouse de Nikabou. À la prochaine grossesse, elle ira rester dans sa famille afin d’être épargnée de tous travaux et activités qui puissent nuire à sa grossesse. Nikabou accepte le jugement de Tchapouh au grand soulagement de Djérou.

Voilà les informations qui seront les sujets de la formation du couple auprès du sage Tchapouh Mani.
Par Antoine Koffi Nadjombé

Par Antoine Koffi Nadjombé

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